Retour sur le concours d'éloquence 2022 - 2023

Bravo aux lauréats de cette édition 2022-2023 du concours d'éloquence Sopra Steria Next !

Découvrez en images la plaidoirie des vainqueurs et des participants à la finale.

Prix du public

Nahia Aboubakar - Sa devise : "Existe-t-il une éthique numérique sans dimension sociale ?"

CONCOURS ELOQUENCE 2023 - NAHIA ABOUBAKAR

2014, treize ans et entre les mains quelque chose dont je ne présentais pas la nature, mais qui pouvait changer le cours de mon existence. Un téléphone, une ouverture au monde, avec tout ce qu'il a de plus profond, précieux et pervers à offrir. Aujourd'hui, peut être que mes parents regrettent la décision qu'ils ont prise en cet été de 2014.

Inlassablement, nos priorités changent, le fragile, le précieux, l'enfant grandit et avec lui ce qui est, ou non, à protéger. Pourtant, des décennies durant, nous avons consacré le droit de propriété comme étant le premier des droits. C'est ainsi que la morale est entrée dans l'équation en affirmant que personne ne peut être dépossédé de ce qui est à soi. Mais la propriété d'hier n'est plus celle d'aujourd'hui.

Nous protégeons nos maisons, nos investissements, notre argent, tout ce que nous pensions avoir de plus cher. À l'heure de la société du numérique, nous ne pouvons aller jusqu'à ignorer qu'il est de choses plus importantes que ce que nous sommes, aller - violences incluses - jusqu'à ignorer l'homme et le monde. Tenez, moi, sur mes appareils électroniques je suis en nom en N, qui traîne des habitudes, des domaines d'intérêt, des préférences.

Je suis fan de jazz, intéressée par la politique et obsédée par l'éloquence, diraient certains. Alors, si l'adage veut que l'information soit la clé de la connaissance, nos informations personnelles sont une mine d'or. Puisqu'elles sont nous, elles incarnent le silence le plus éloquent qui soit. Et en cela, elle constitue les nouvelles propriétés à protéger. Et dans ce clair-obscur où le premier des droits demeure celui de disposer de soi,

Voilà que s'avance, comme pour toute révolution, l'éthique. L'éthique, c'est ce contrat sacré, insaisissable, qui nous enjoint à coexister, comme s'il résidait, battant, au fond de nos cœurs. Comme si, chaque fois que nous choisissions l'éthique, nous donnions forme à une quasi révolution. Alors, si le numérique est devenu une norme, plus encore une habitude présente et ancrée chaque jour, c'est bien parce que, chaque fois que l'offre de soins vient à manquer sur le territoire, c'est la révolution numérique qui permet de la combler. Chaque matin,

c'est la révolution numérique qui nous permet de savoir, par les prévisions météorologiques, quelle journée s'offre à nous. Chaque instant où l'ignorance est reine, c'est la révolution numérique, enfant chéri de l'information, qui féconde la pensée. Alors oui, le numérique est une révolution. Mais l’éthique, c'est la première d'entre elles. Celle-là même qui, unique parmi la création, nous fait basculer de l'état de nature à celui de société.

C'est que, par la force des choses, nous avons appris à évoluer avec les révolutions de nos sociétés, à les maîtriser. Comme toute révolution qui se produit, elle implique le bouleversement des habitudes passées et impose un passage en force d'une force qui, souvent, nous dépasse. Lorsqu'en 1789, le peuple s'est réuni sous un même étendard, il a donné naissance à la première constitution que nous ayons connue.

C'est qu’hier déjà, nous n'avions pas attendu la religion pour avoir de l'humanité. Après la Révolution française, nous avons consacré que, lorsqu'une agitation advient, la morale nous enjoint à recréer le terreau fertile à notre coexistence. Preuve, s'il en fallait, qu'il n’est de révolution sans éthique. Et aujourd'hui n'est donc que l'expression des révolutions d'hier qui auront toutes, inlassablement, leur avenir demain.

Alors, on s'adapte, on vit toujours avec elle, parfois pour elle, malgré elle et, plus rarement, contre elle également. Non pas que ce que le numérique représente soit dommageable. Simplement qu'on ne s'y retrouve pas, qu'il ne nous inclut pas. L'éthique nous dit que pour protéger nos données personnelles, certains ont le droit à l'oubli en raison de notre condition d'homme. Mais que dit-elle à ceux qui ont presque le devoir de ne pas se faire connaître ?

Que dit-elle aux près de 5 millions de Français dépourvus d'appareils électroniques ? Si nous reconnaissons au numérique un caractère substantiel à la vie, quel avenir pour ceux à qui cette révolution ne donne pas voix au chapitre ? Et l'exil, ne faisant pas disparaître les différences, c'est ainsi que ces millions d'entre nous représentent les déshérités de la modernité, les déshérités du genre humain.

Car certes, ouvrir le droit permet, sans aucun doute, d'avoir le choix. Mais se munir de l'éthique chaque jour, comme on agrippe son téléphone, c'est faire en sorte que tout un chacun ait le droit de choisir. Alors, pour les plus connectés, les plus chanceux, l'Agence France Presse communique 50 dépêches d'information par heure, 1900 par jour, relayées ensuite par plus de 20 journaux quotidiens.

Eh oui, ça fait beaucoup, nous sommes d'accord. Mais si nous sommes sans cesse happés sous un flot d'informations et de données, quelle connaissance avons-nous réellement ? Que sais-je, si ce n’est que l’information est perpétuelle d’abord et de surface ensuite ? Et bien, je sais que notre réalité sociale s'effrite, qu'elle brûle et que nous regardons ailleurs. Je sais que le numérique peut nous lier et nous rapprocher comme il nous a déjà failli.

Je sais que nous avançons, main tendue vers la prospective, sans voir que c'est l'avenir qui nous offrira brutalement la sienne. Et sans une once de morale, les médias nous prouvent sans cesse que la vérité se diffuse autant qu'elle se détruit. Alors, n'oubliez pas que derrière l'utilisateur, il est un homme, même quand le sensible n'est pas, l'être humain demeure et l'utilisation du numérique se doit de respecter transparence et vérité.

Certains m’opposeront qu'on ne sait pas où l'on va, que c'est une course effrénée à l'instantanéité qui fait perdre, à chaque instant, de son moment, de sa teneur, de son contenu. Mais le numérique est là et il compte bien le rester. Reste alors à parachever l'éthique, à inclure progressivement chacun, à faire respecter nos droits et à contrôler cette révolution.

Contrôle nécessaire et salvateur qui, comme les Lumières en leur temps, nous guident plus qu'ils nous aveuglent. Qui nous dit qu'il n’y a de révolution que là où il y a conscience. Et qui, à la question, Que vaut un homme ?, ne s'attache ni au passé ni aux apparences. Non. Il nous enjoint à ne pas considérer que la peine est perdue, dès lors que la cause est connue. Parce que c'est en faisant corps que nous nous enrichissons,

Parce qu’à mesure que l’éthique subsiste, l’humanité progresse, parce qu’ensemble nous construisons, aujourd'hui pour demain. Une société sans éthique est comme un jour sans lumière.

1er prix étudiant

Juliette Fey - Sa devise : "Avec le numérique, sommes-nous vraiment « connectés » aux autres ?"
Sa devise : "Avec le numérique, sommes-nous vraiment « connectés » aux autres ?"

CONCOURS ELOQUENCE 2023 – JULIETTE FEY 

J'ai sept ans. Pas toutes mes dents. Nous sommes en 2006. Je viens de recevoir mon premier téléphone portable. Ô joie, Ô allégresse ! On n'arrête pas le progrès. Fière de mon nouvel engin et prise d'un enthousiasme sans borne, j'explore les facettes de ce bijou de technologie. Tout me paraît nouveau et révolutionnaire. Avec ce bel outil, je peux rentrer seul de l'école. S'il m'arrive le moindre problème, mes parents savent que je peux les appeler. Nous voilà rassurés, liés, connectés. J'ai quatorze ans. Presque toutes mes dents. Nous sommes en 2013. Le monde a bien changé et c'est tout un ordinateur que je tiens dans ma poche. Une infinité de conversations, de photos et d'applications, une corne d'abondance qui contrecarre, solitude et ennui. Loin de mon petit portable à clapet, j'ai suivi la révolution. Je suis maintenant sur Instagram, Facebook, Twitter. Ma pellicule regorge de selfies et de photos de gens, d'endroits, de choses. Et dans cette abondance, qui paraît infinie, je me sens inexorablement seule. 

Ah Facebook, lieu d'échange où, depuis l'âge de mes dix ans, je reçois des messages de cinquantenaires à la recherche de menu fretin et où l'année de mes 14 ans, je me fais copieusement moquée et insultée par mes camarades. Des photos de moi, dénudée, ont été postées sur les conversations Facebook du collège. Ô joie, Ô allégresse, nous sommes tous connectés. Nous regardons tous ensemble dans la même direction. En l'occurrence, mes fesses. Grâce au numérique, nous sommes tous en contact. Mais sommes-nous pour autant connectés ? Ces personnes qui relayaient mon désespoir et qui s’en délectaient, étaient-elles connectées à ma réalité ? Quoi que l'on pense du contrat social, sur le web, l'homme est un internaute pour l'homme. Il est aisé de déshumaniser quand tout ce que l'on perçoit est un médium pixellisé. Bien entendu, Internet n'est pas sans vertu. Un avatar numérique, avec lequel on communique sans révéler notre propre identité physique, permet de surmonter bien des obstacles. Disgracieux, peu charismatique, isolé socialement. Internet vous permet d'écrire au monde. Fi des distances, de l'entre-gens, de l'apparence et de tous ces fardeaux qui font que, dans la vraie vie, personne ne vous écoute. Voilà une occasion de vous exprimer. Que quelqu'un reçoive votre bouteille à jeter à la mer. Mais quelle mer ! La placidité cruelle de l'onde lorsque personne ne daigne lâcher un like. Le courroux des flots des lames incendiaires qui viennent s'écraser contre un tweet un peu trop clivant. Le tumulte des flots qui relaient sans cesse des mots, des phrases, des photos qui nous étouffent et qui nous noient sous une foule de choses hors de notre contrôle. 

Nos outils numériques font naître autant d'interconnexions que possible entre des personnes qui ne se seraient jamais adressées la parole. Mais, sans un effort sincère de conscientisation, l'Autre sur Internet est radicalement autre. Il n'a pas d'émotion. Il est un texte, une image, un nom. Comment revendiquer une éthique ou un vivre ensemble lorsque rien n'est réellement vivant ? Produits dérivés de l'abondance de contenus et de la nécessité de se distinguer. Le règne des images a vite repris ses droits. L'apparence, d'abord dissimulée par les avatars, est maintenant ce qui importe. Il faut se mettre en scène avant tout. Il s'agit de se faire remarquer. Le sensationnel, le choquant font loi. J'ai vu, enfant, comme d'autres après moi, un nombre incalculable de vidéos de personnes qui décèdent en direct. Une masse ignoble de divertissements aux tendances inquiétantes, une foule de théories du complot qui se fondent sur presque rien mais nous interpellent presque tous. Et cette abondance de liens en tous genres et d'extrapolations nous déconnecte les uns des autres, comme de la réalité. Et, petit à petit, dans leur chambre d'écho, les internautes s'enferment. Ils s'évertuent à consommer ou à attaquer le reste des avatars, ces autres, ces choses, ces ignares. Certains s'aventurent même à créer du faux contenu pour représenter à leur place les membres d'une communauté de façon ridicule.

Cercle vicieux et clou de ce spectacle, quel scrupule aurait-on à attaquer une devanture lorsqu'on croit que personne ne se tient derrière ? Pourquoi s'inquièterait-on des pleurs de Bogossdu92 ? Ainsi, le piège se referme. À mesure qu'on se représente pour mieux se protéger, pour mieux se faire entendre, on s'expose à la hargne de ceux qui exècrent toutes nos facéties. Mais lorsque 80 % de la population française est active sur les réseaux, quand certains passent plus de la moitié de la journée les yeux rivés sur l'écran, le virtuel s'incarne et heurte au-delà de l'image. Nous avons le pouvoir de faire en sorte que l'anonymat ne se résume pas à l'inconséquence, mais qu'au contraire, il représente la réinvention de soi-même.

Pour que cette communauté numérique soit, effectivement, commune, il nous faut une éthique, un code de conduite. Lorsque le numérique nous offre une liberté absolue, c'est à nous d'adopter une éthique plus que résolue afin que, grâce au virtuel, on fasse avancer le réel.

1er prix collaborateur

Lisa GUILLARD - Sa devise : Où sont les femmes ?

Sa devise : Où sont les femmes ?

Concours Eloquence 2023 - Lisa GUILLARD
Sa devise : Où sont les femmes ?

Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, nous dit que la fracture numérique entre les sexes est le reflet de la discrimination générale à laquelle sont confrontées les femmes. D'abord à l'école, les maths et les sciences, elles en sont écartées, les femmes. Ensuite, lors des entretiens d'embauche, elles sont davantage interrompues et questionnées, les femmes. Enfin, une fois en poste, elles se heurtent à un faible soutien managérial, un manque d'équilibre des temps de vie, un manque d'opportunités de carrière et au sexisme de certains de leurs collaborateurs, les femmes. Ça fait rêver ? Ajoutez à ce processus déjà fort délétère, le manque de légitimité que ressentent les femmes tout au long de leur vie, au travers du regard des autres, au travers des injonctions de la société où nous faisons face à un système, un ensemble dont les éléments sont coordonnés par une loi, une théorie : les femmes seraient moins compétentes que les hommes.

On ne peut alors s'étonner que seul un travailleur sur cinq dans le secteur soit une femme. On ne peut alors s'étonner que ce tuyau percé assoiffe notre jardin nourricier d'une diversité pourtant nécessaire à l'innovation, tout en l’irriguant de conséquences délétères. Parmi ces mauvaises herbes, pour ne vous en citer qu’une, des technologies créées par les hommes pour les hommes. La reconnaissance faciale et vocale est moins efficace pour les femmes que les hommes, du simple fait que les logiciels sont entraînés sur la base de reconnaissance de données majoritairement masculines. Ça vous semble anecdotique ? Et si je vous dis que cette même logique est appliquée au secteur de la santé, et à la détection des AVC notamment. Comme le soutient la cardiologue Nieca Goldberg dans son livre “Women Are Not Small Men”, la physiologie des attaques cardiaques est différente chez les hommes et chez les femmes. Bien que les signes et symptômes ne soient pas les mêmes chez les deux sexes, je vous laisse deviner sur lesquels s'appuient les technologies de détection des AVC. Surprise générale. Non, une technologie basée sur des données majoritairement masculines n'est pas, et ne peut pas, être optimale pour les femmes.

Alors, voulons-nous de cette logique dans les technologies de demain ? Voulons-nous continuer à faire fi de la moitié de l'humanité ? Mesdames, Messieurs, quand bien même vos entreprises continueraient à vendre, vos profits en seraient amoindris, votre image détériorée, votre capacité d'innovation atténuée ? Alors agissez, car il n’existe aucune fatalité ici. Votre salut tient en grande partie à votre capacité à organiser la diversité des équipes afin que s'opère la collégialité. Car oui, arrêter de cultiver l'entre-soi masculin dans ce secteur, c'est créer une vraie diversité des points de vue et des idées. C'est s'inscrire dans un cadre innovant et disruptif. C'est donner naissance à des valeurs humaines fortes et éthiques.

Entreprises du numérique, sur de tels sujets, nous nous devons d'avoir un temps d'avance. Nous nous devons d'assumer la responsabilité sociétale que nous portons. Nous nous devons de passer à l'action. Et si nous souhaitons une révolution sans tête coupée, ne nous contentons pas des quotas et autres réglementations.

Mesdames, messieurs, je suis fière d'être une femme qui travaille dans le secteur du numérique et je suis fière de pouvoir porter mes convictions devant vous aujourd'hui. Alors où sont les autres femmes ?

2ème prix étudiant

Kurt Martial Amouzou - Sa devise : "Cogitare"

Sa devise : "Cogitare"

Concours Eloquence  2023 - Kurt Martial Amouzou 

CO GI TA RE, une pensée vous vient à l'esprit. Un souvenir peut-être, une impression de déjà-entendu. Oui. Cogito ergo sum. En français : je pense donc je suis. Le verbe de cette phrase, cogitare, est un verbe latin qui est bien souvent reconnu à sa forme conjuguée à la première personne du présent, cogito, et popularisé par un homme qui marqua son temps, Descartes. 

Étymologiquement, ce verbe ne se limite pas pourtant au simple fait de penser. Premièrement, il signifie réfléchir et désigne l'action humaine de réfléchir, toujours profonde et trop imparfaite. Secondement, il désigne le fait d'être obligé envers quelque chose ou envers quelqu'un. En somme, cogitare désigne l'action d'utiliser notre conscience. Il est ainsi, selon moi, la lentille parfaite sur laquelle nous pouvons observer les problèmes de notre époque, les magnifier puis les résoudre, surtout en ce qui concerne l'éthique numérique.

Effectivement, Mesdames et Messieurs, le cogitare est la clé pour toute personne qui se donne pour mission de construire un impact positif pour tous dans la transformation digitale. La piste du cogitare est, d'une part objective car liée à notre humanité à tous et de l'autre subjective car liée à notre conscience et nos actions personnelles. Mesdames et Messieurs, honorables membres du jury, chers téléspectateurs, qui me regardez derrière votre écran, partons d'une suite d'événements qui fait l'actualité.

La course à l’IA, la démultiplication des exemples et des domaines d'utilisation de l'intelligence artificielle fait qu'aujourd'hui, elles sont partout. Un coup d'œil vers l'actualité vous apprend que les IA disent tout, imitent bien et surtout en font toujours plus. D'une simple conversation à l'écriture d'un roman à sensation, de la composition d'une œuvre artistique à celle d'une vidéo qui défie même les frontières de la réalité, les IA font tout et toujours plus.

Leur place est si prédominante qu'aujourd'hui tout le monde en veut une. Du simple consommateur au géant de la tech, de la société à un producteur ou fournisseur de services, tout le monde veut une IA, de Google à la mairie de Paris. C'est notre nouvel outil préféré. Pour nous, leurs créateurs s’élancent si vite et si bien vers de nouveaux horizons que les limites entre l'humain et l'artificiel deviennent floues.

Un dilemme se pose alors, de nouvelles questions sur l'éthique numérique naissent. La désinformation, l'éthique vis à vis de la consommation d'œuvres artistiques produites artificiellement. De nombreuses questions viennent. Le problème est posé, le décor aussi, mais la solution l'est également et cela devant vous depuis bien longtemps. Votre conscience. Objectivement d'abord, Mesdames et Messieurs, le doute est ce qui fonde la frontière que nous n'arrivons plus à voir entre l'humain et l'artificiel. N'étant pas une suite d'informations, les mystères de notre création nous ont dotés d'une capacité impressionnante à douter. Nous doutons de tout, y compris de notre propre existence. Et c'est ce doute, précisément, qui est, selon Descartes, la preuve de notre existence. Alors, il faut revenir au cogitare, à notre petite machine à douter. Car le doute fonde effectivement la frontière claire entre l'humain et l'artificiel.

Mais sa solution se trouve dans notre conscience et dans son utilisation subjective et parfaite. S'attacher au cogitare nous donne une vision plus empathique de la vie. Bien souvent créés par notre manque d'empathie, les problèmes créés par l'utilisation des intelligences artificielles aujourd'hui peuvent être résolus par notre retour à une utilisation extensive et profonde de notre conscience, surtout lorsque nous nous apprêtons à agir face à nos congénères.

Dois-je publier cette vidéo d'un politicien dans une situation compromettante et contraire à ses valeurs ? Est-ce éthique de posséder une vidéo compromettante représentant une personne de notre entourage ? Nous devons revenir à notre conscience. Nous devons nous attacher à notre humanité. Cet objectif que vous vous êtes donné, ici à Sopra Steria, peut être accompli à travers le cogitare, car c'est le doute et l'utilisation de notre conscience qui fonde l'humanité et qui nous a menés aussi loin.

Le doute de l'étudiant, face aux lois établies que lui enseigne son professeur, est ce qui fait le chercheur de demain. Le doute de l'artiste, qui efface et recrée son trait, est ce qui fait les grandes Œuvres. Le doute du consultant, quand il pique son idée audacieuse, est ce qui crée le monde de demain. Alors nous devons revenir à notre conscience, Mesdames et Messieurs.

Notre objectif est, et doit être, de créer un impact positif pour tous dans la transformation digitale. La révolution numérique peut être positive. Alors revenons au cogitare. Revenons à notre conscience. Un échange d'opinions, une réflexion profonde, telle que celle que nous menons tous ensemble aujourd'hui, est ce qui nous permettra de donner à la révolution numérique un impact positif et humain.

En somme, cogitons.

2ème prix collaborateur 

Tia Chaumeret - Sa devise : "6h34"

Sa devise : "6h34"

Concours Eloquence 2023 – TIA CHAUMERET

6h34. Votre réveil sonne. Vous l'aviez programmé plus tard ? Peu importe, votre chef a dû planifier une réunion. Ça arrive. 6h48. Baigné, lavé, votre armoire vous propose une tenue : manteau gris et écharpe noire. Il doit faire mauvais, vous verrez en sortant. 7h00. Une notification s'affiche sur vos lunettes. Vous ne pouvez pas sortir.

« Air pollué », disent-ils. Un drone a encore dû dysfonctionner. Les yeux dans le vague, vous balayez la notification d'un revers de regard. C'est la huitième ce mois-ci. Vous jurez pourtant avoir réparé le système. À ce moment précis de mon discours, chers internautes, vous dites sûrement que ce récit, car trop dystopique, ne peut être prospectif. Que l'éthique, quel beau mot, quel grand mot, nous arrêtera avant que ce discours ne devienne réalité. Et pourtant, chers internautes, j'aimerais vous inviter à reprendre ce récit exactement où nous l'avons laissé, à ce moment précis où, cloîtrés dans votre 9m2, vous vous installez dans votre cabine sécurisée. Tous les employés y ont droit maintenant. Reconnaissance corporelle activée, profil analysé, réunion lancée dans trois, deux, un…

Vous souriez. Le siège n'a pas encore remarqué vos deux kilos en trop. Il vous l'avait pourtant signalé l'année dernière. 9h18. Vous divaguez. La réunion vous paraît être un lointain bourdonnement. Vous saisissez quelques phrases au vol : « énergie des datacenters perdue », « système de sécurité gouvernemental bloqué », « bourse de Tesla en chute ». La voiture autonome a causé plus de 10 000 morts cette année. »

10h42. Votre chef vous rappelle à l'ordre. C'est à vous de penser. Vous fermez les yeux, visualisez les images, les envoyez. Ne pas avoir de pensées parasites. N'ayez surtout pas de pensées parasites. Vous commencez.  Le taux de suicide des gendarmes du métavers a augmenté de plus de 18 % depuis le dernier bug du système central de sécurité virtuelle.

Nous recommandons un effacement de la mémoire de tous les concernés de la période du 18 juin, 12h13 au 24 juin, 7h12. Les traumatismes seront ainsi entérinés. Vive la manipula… ! Vous vous arrêtez en espérant que le modérateur de pensée n'ait pas retranscrit ce que vous venez de vous dire. Il est plutôt bon, en général.

12h30 La cabine s'éteint. Un plat sort du four. Étrange, la portion est réduite. Vous repensez à vos deux kilos en trop. Le siège a dû finalement les remarquer et envoyer l'information en cuisine, Ils deviennent retors. Fichue technologie.

13h30 Vous entendez un déclic. La porte est déverrouillée. L'interdiction de sortie doit être levée. 13h32 La rue est calme. Vous levez les yeux pour observer les voitures des plus riches. Le trafic aérien sera peut-être un jour accessible à tous. En bas, les conducteurs vocifèrent. Une voiture autonome a encore percuté un vélo. Demain, ce sera oublié.

De toute façon, ce n'est la faute de personne. Personne ne conduit. 14h02. Vous arpentez les couloirs de l'entreprise, obnubilés par leur bulle cognitive, vos collègues ne vous voient pas. Il faut avouer que vous êtes les seuls à avoir refusé l'installation de la puce sociale. Vous les observez, l’un d’entre eux vous sourit, vous lui rendez son sourire avant de vous apercevoir que c'était pour une application.

Zut. Vous croyiez avoir une touche ? Vous perdez la notion du temps. Data. Statistique. Hive-mind. Circle. Lumen. PIB. Chute. Déclin. Réhausse. Vous triez, classez, arrangez, engrangez les données de chaque utilisateur. Profil Z4466B. Data analyst. Temps passé devant les écrans : 8h46 par jour. Classé : moyenne basse. Note de citoyenneté : 6/10. Rehaussée pour avoir remercié un utilisateur sur Net Bloom.

18h. Votre montre sonne. Vous vous levez, prenez vos affaires, faites le chemin inverse. Votre montre continue de sonner. Une notification s'affiche : « trouble émotionnel diagnostiqué ». Vous enlevez vos lunettes connectées. La sonnerie continue. Vous voulez que ça cesse. La sonnerie continue. Vous voulez retourner dans le monde d'avant. Ça sonne, encore et encore. Alarme interne activée. Effacement des données imminent.

98 %. 99 %. 6h34. Votre réveil sonne. Vous l’aviez programmé plus tard ? Peu importe, votre chef a dû planifier une réunion. Ça arrive, ça arrive. Dans ce monde numérique aux 1000 visages, qui peut nous piéger dans ses nombreux ravages, chers internautes, il nous offre la gloire et le plaisir, mais peut nous entraîner dans des abysses à fuir. Méfions-nous donc de ces écrans qui nous entourent et rappelons-nous que notre liberté n'a ni de prix, ni de cours.

Restons vigilants, gardons les pieds sur terre pour éviter de tomber dans les pièges de cette sphère.

Les plaidoiries des finalistes 2022 - 2023

De nombreux candidats – collaborateurs Sopra Steria et étudiants - ont défendu leur plaidoirie autour de l'éthique numérique dans une phase de présélection. Découvrez la plaidoirie des finalistes ci-dessous :

Marie Ozon - Sa devise : "Revenge porn & justice populaire en ligne"

Concours Eloquence 2023 – Marie Ozon 

Levez les yeux et regardez autour de vous. Ce que vous voyez, c'est un gigantesque tribunal à ciel ouvert. Dans les maisons, dans la rue, sur la toile. Rien, ni personne n'y échappe. La société se saisit d'une problématique et tout le monde parle, débat et juge la vie des autres. Dans ce brouhaha continu, nous sommes tous au cours de nos vies, à la fois l'accusé, les juges et parfois, et c'est mon cas aujourd'hui, l'avocat d'une cause qui nous tient à cœur. 

Ce matin, ma cliente et moi-même étions au lycée et nous rendions aux cours de mathématiques lorsque nous avons découvert les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels j’assurerai sa défense. Son téléphone s'est soudainement mis à vibrer frénétiquement et elle m'a alors lancé, avec son air narquois de toujours, les seules raisons qui justifieraient que je reçoive autant de messages d'un coup, seraient que ce soit mon anniversaire et que j'ai oublié ou que j'ai mis une photo toute nue sur Instagram sans faire exprès, au choix. Elle a déverrouillé son téléphone et son sourire s'est envolé. Ce n'était pas sur Instagram, mais sur Snapchat. Ce n'était pas elle, mais son ex. Et ce n'était pas sans faire exprès, mais par pure vengeance qu'il a partagé des photos d'elle dénudée à tout le lycée. 

La sonnerie retentit alors et tandis qu'on entend les rires d'un groupe de garçons de l'autre côté du couloir, nous ramassons nos sacs et tournons les talons. Nous sommes restées assises en tailleur pendant trois heures dans les toilettes du quatrième étage. Trois heures pour attendre que le lycée se vide et ne pas affronter les regards sur le parvis en sortant. Trois heures pour la consoler et lui faire entendre que sa vie n'est pas finie. Trois heures pour qu'elle comprenne qu'elle n'est pas fautive. 

Je regarde la story dont il est question. C'est une simple photo de sa poitrine envoyée à son ex il y a quelques mois : un miroir de salle de bain et un soutien-gorge blanc posé sur le lavabo.

Elle a été postée par un compte sordide avec une petite note indiquant son nom et notre classe, Terminale S3. Comme si c'était la CPE qui postait un simple bulletin scolaire. Je lève les yeux vers le haut de l'écran pour lire le nom du compte ayant posté la story : Tribunal Lycée la Pléiade. Notez qu'il faut un certain culot pour faire quelque chose passible de plusieurs années d'emprisonnement en se faisant appeler tribunal. J'ai hâte que le responsable de ce compte découvre ce que c'est qu'un vrai tribunal et en ressorte avec un aller simple pour Fleury-Mérogis. 

Mesdames et messieurs les juges, quand on parle de revenge porn, de gens qui publient des photos intimes pour se venger de quelqu'un pour les boomers, on entend beaucoup de choses. On entend des critiques dégoûtantes sur l'intimité de la victime. On entend que c'est une pute, elle n'aurait pas dû envoyer ces photos. On entend Monsieur Je-Sais-Tout, qui clairement n'a rien compris, nous expliquer qu'elle n'aurait pas dû partager ça parce qu'elle savait qu'après quelqu'un pouvait les diffuser. 

Monsieur Je-Sais-Tout, figurez-vous que ma cliente croit profondément en l'état de droit et que donc, sans son consentement, son ex n'avait pas le droit d'envoyer ces photos. Elle n'est donc pas fautive. Parce que le revenge porn, c'est surtout un engrenage sans fin de violences physiques, psychologiques et sexuelles. 

Ma cliente, comme beaucoup de femmes qui subissent malheureusement le revenge porn, n'avait au départ aucune intention d'envoyer ces photos. Mais c'est mal connaître les capacités de manipulation de certains tordus. « Si tu ne m’envoies pas cette photo, je vais te quitter », « Je vais raconter tous tes secrets », « Je dirai à tout le monde que tu es une traînée ». Alors qu'elle soit consentie ou pas, une fois la première photo envoyée, c'est la descente aux enfers. Les demandes deviennent des menaces et la violence psychologique laisse place à la violence physique et sexuelle. Ce jour-là, enfin, ma cliente n'a pas cédé. Alors, que pourrions-nous lui reprocher ? D'avoir refusé d'envoyer des photos de son corps, encore une fois ? D'avoir protégé son consentement sur lequel, personne d'autre qu’elle, n'a de droit ? D'avoir su taper sur son clavier un grand NON quand son corps le hurlait ? Aujourd'hui pourtant, tous la jugent pour une situation qu'elle n'a jamais souhaitée. Parce que le revenge porn, c'est enfin et surtout, l'exemple type de la manière dont les victimes pénales deviennent des coupables sociales sur Internet. Alors aujourd'hui, dans ce tribunal populaire qui s'autosaisit de l'intimité des femmes, c'est avec conviction que je plaide la relaxe. Pas parce qu'elles ne sont pas coupables des faits qu'on leur reproche, mais parce qu'il est inacceptable qu'au XXIᵉ siècle, on condamne encore des femmes pour des faits dont elles sont pourtant les seules victimes.

Le code de la justice pénale populaire misogyne prévoit des peines maximums de dix ans de cyberharcèlement et harcèlement scolaire, assortis de 22 ans d'insultes misogynes en ligne. Mais pour ces femmes, qui voient leur intimité devenir publique contre leur consentement, psychologiquement, c'est la perpétuité.

Cher tribunal populaire, tu juges le mauvais coupable. Lorsqu'une personne est assassinée, on ne la condamne pas pour son imprudence, pas plus qu'on ne condamnerait un commerçant qui se ferait voler une pomme pour ne pas avoir mis un cadenas dessus. Alors, jetons enfin la pierre à ceux qui brisent impunément la vie de milliers de personnes chaque année. Poursuivons enfin en justice ceux qui tiennent ces fichus comptes Snapchat. Acquittez une bonne fois pour toutes les femmes et leur intimité.

Quentin Huleux - Sa devise : "Les tics du numérique"

Concours Eloquence 2023 – Qunetin Huleux 

Il y a quelques jours, mon médecin m'a appris une bien triste nouvelle. Je souffre de gestes involontaires au quotidien, des mouvements brusques et inappropriés à la situation, le plus souvent liés à mon téléphone. Vous l'aurez compris, je souffre de troubles involontaires convulsifs, des tics du numérique.

Le numérique et moi, pourtant, pendant longtemps, nous ne nous connaissions pas. Non pas que nous ne le voulions pas, mais le numérique était alors maintenu loin de moi. C'est à mes treize ans seulement que le numérique s'est révélé à moi. Une petite excroissance vint se visser dans le creux de ma main gauche. Et elle est bien là, la source de tous mes maux. Face à un destin numérique nous offrant un festin idyllique, celui de pouvoir découvrir, sans jamais se dévêtir, je regrette l'indépendance qui jusque-là me portait chance. Le numérique s'en était pris à moi, déployant ses milliers de bras, m’entourant tel un boa, pour que je sois comme tout autre soldat, un être dématérialisé.

Désormais, chacun de mes pas s’accompagnait d'un véritable brouhaha informationnel. Prenez un peu, ce matin. 7h05. Alors que mon réveil sonne, je découvre, un œil à moitié ouvert, les 27 notifications reçues pendant la nuit et que je dois traiter. Les troupes ukrainiennes ont repris Kherson. La fusée Artemis a atteint l'orbite lunaire. 4 millions de Français ont regardé le dernier épisode de « Plus belle la vie ». Un quart d'heure a passé, me voilà prêt à disserter sur l'actualité qui vient juste de m’inonder, mais je ne sais même pas quel temps il fait, ni comment m'habiller. Au temps pour moi. Mon application météo m'indique un instant que la pluie sera aujourd'hui de la partie. Bon, la fenêtre restera donc fermée durant cette matinée. 7h35. Il est temps pour moi de me préparer si je ne veux pas être en retard pour mon atelier. Je me dirige donc, tout naturellement, vers la salle de bain quand je suis brutalement stoppé par une nouvelle notification.

Cette fois, c'est l'application Ecowatt qui m'indique une coupure d'électricité à durée indéterminée. Pas de lumière donc, mais ça, mon téléphone le fait très bien. Pas d'eau chaude non plus. Et ça, le téléphone ne sait pas faire, quoi que. Il existe peut-être une application dédiée, mais je vérifierai un peu plus tard. 8h05. Ouf ! Le tramway n'est pas affecté.

Je vais au moins pouvoir me déplacer. Enfin ça, c'est ce que me disait l'application RATP. Mais après cinq minutes à attendre seul sur ce quai, je vous avoue, je commence à douter. Une heure donc a passé. Et quel est le bilan ? Un temps d'écran de 35 minutes. 42 notifications reçues, mais pas une seconde pour tranquillement s'étirer, méditer, respirer le grand air de cette fenêtre restée désespérément fermée.

Plus que de temps gagné, me voilà coincé en banlieue parisienne avec un retard si conséquent que j'entends déjà mes collègues me renommer en se moquant « le collaborateur retard centrique ». Et moi dans tout ça ? Je suis quoi ? Beaucoup d'entre vous, Mesdames et Messieurs, diraient que je suis un être profitant pleinement du numérique et de ses bienfaits. Mais, après cette matinée, je vous avoue personnellement que je me considère plus comme un de ces utilisateurs pathétiques du numérique, dépendant d'un outil qui me contraint plus qu'il ne me libère.

Alors contre ces tics du numérique, mon médecin me tendit une ordonnance sur laquelle il avait gribouillé quelques mots que je déchiffrais péniblement. L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous. Ces quelques mots de Jean-Paul Sartre m'ont ainsi conduit devant vous aujourd'hui. Dans l'affaire des tics du numérique, je crois qu'il est utopique et vain d'attendre de cet espace immatériel qu'il se pare des vertus éthiques que nous aimerions qu'il applique à notre égard. Plus qu'une éthique du numérique qui se consacrerait aux outils et à leurs commanditaires, je prône donc, ici, aujourd'hui devant vous, une éthique du numérique résolument existentialiste, tournée vers l'homme et ses usages. Car dans ce monde fait de tics et de tocs, la jeunesse déboussolée se perd et erre sur Tik Tok.

Peut-être devrions nous leur rappeler qu'un sourire illuminé vaut bien mieux qu'un smiley. Redevenons tous maîtres de notre destin. Choisissons de partir libres un matin, sans montre connectée ou autre objet inopportun. Simplement, avec un esprit libre et malin, un esprit humain. Vraiment humain. Merci.

Henri Guerder - Sa devise : "L’éthique numérique en question…et en alexandrins !"

Concours Eloquence 2023 – Henri Guerder

L'éthique en question et en alexandrins.

Mesdames et Messieurs les membres du jury et Vous, chers auditeurs qui m'écoutez aussi, installés je l'espère, de manière confortable, considérons ensemble si l'éthique est rentable. Il nous semble d'abord un peu contradictoire d'espérer s'enrichir par le biais d'un devoir qui s'impose avec force et souvent tout complique. Qu'avons-nous à gagner à pratiquer l'éthique ?

Essayons de répondre en montrant avec soin les atouts de l'éthique au travers de trois points. En lui étant fidèles, on évite des pertes. Puis, au degré suivant avec des efforts, certes, on peut de ces affaires améliorer l’image. Quant au degré suprême atteint par grand courage, si l'on s'est appliqué avec persévérance de tous ses partenaires, on gagne la confiance.

Dans le premier niveau, l'éthique est un rappel des risques que l'on prend d'un procès sans appel si l'on veut transgresser les droits élémentaires. Cette éventualité n'est pas imaginaire. Si l'on vend par exemple les données personnelles d'un utilisateur de manière frauduleuse, une amende est prévue et son montant est tel qu'elle peut dissuader et de manière sérieuse.

Et si, d'un concurrent on déforme l'image et que, sur les réseaux circulent ce message, on s'expose aux sanctions définies par la loi, mais aussi au courroux d'internautes en émoi. Même lorsque l'on vend des produits numériques, il est donc plus rentable de pratiquer l'éthique que de s'aventurer où les choses se compliquent. Comme le dit le dicton, qui s'y frotte s'y pique.

Mais si l'on pousse un peu les bonnes habitudes et que l'on prend le temps d'une patiente étude, l'éthique est un moyen d'améliorer l'image que l'on donne à chacun d'une entreprise sage. Il est bon, aujourd'hui, de soigner cet aspect qui sera recherché par les nouveaux prospects, mais aussi par tous ceux qu'on voudra recruter.

Ils sauront, tous ainsi, pouvoir bien débuter dans une relation qu'on espère durable. Commencer sur ces bases est plus que favorable. Que ce soit pour choisir, ou confier sa carrière, ou pouvoir déléguer la gestion des affaires, c'est souvent aujourd'hui pour choisir un critère que beaucoup considèrent comme très prioritaire. Il est donc plus rentable de pratiquer l'éthique qui donne une bonne image sans besoin qu'on l’explique.

Si l'on veut s'appliquer, au sein d’une entreprise à faire de l'éthique une préoccupation qui retiennent de tous, un peu de l'attention, on peut bien assurer, sans crainte de méprise, qu'on a posé les bases pour de saines affaires basées sur confiance et respect mutuel, qui sont bien précieux dans le contexte actuel où l'on voit les contrats se faire et se défaire.

À ce niveau, l'éthique est entrée dans les mœurs et dans toute l'entreprise on en suit les valeurs. Quand il faut faire un choix, elle est une référence et dans les relations, elle chasse à la méfiance. Si l'objectif suivi est désintéressé, la rentabilité suivra sans trop tarder. Avec des partenaires que l'on pourra garder et emmener toujours vers de nouveaux succès.

Que dites-vous ? C'est inutile ? Je le sais, mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non. Non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile. Vous aurez reconnu cette force tranquille et le grand Cyrano du poète Rostand.

Oui, l'éthique est rentable, mais il n'en faut pas tant pour nous convaincre ensemble de porter ses couleurs, car elle est revêtue d'une haute valeur. La beauté de l'éthique réside dans son but. Elle est là pour guider et pour porter aux nues les intentions trop faibles et les désirs fragiles. Et, d'une main bien ferme, rendre la voix facile.

Nous avons à gagner à pratiquer l'éthique. Elle donne des avis éminemment pratiques. Soyons donc ses champions dans le monde numérique et portons sur le front l'assurance qu'elle implique.

Nacim Baouche - Sa devise : "Les arbres poussent-ils jusqu’au ciel ?"

Concours Eloquence 2023 – Nacim Baouche 

Pour ton éthique numérique, recycle, réduis tes clics, multiplie les diagnostics, développe ton esprit critique et supprime ton historique. N'oublie pas de trier tes mails, de tout mettre en veille, d'acheter sur eBay, de ne pas multiplier tes appareils tout en entretenant ton matériel. Les solutions, elles, prolifèrent à merveille et toutes, toutes sans exception, nous viennent à nous poser cette même question : les arbres poussent-ils jusqu'au ciel ?

Chapitre Un : La genèse. Au commencement, il y avait la terre. Enfin presque. Si on résumait son histoire à une journée de 24h, la terre s'est formée à 00h. Les dinosaures apparaissaient à 23h20 et l'homme à 23h59 et 45 secondes. L'éthique numérique, quant à elle, personne ne sait quand elle est vraiment arrivée. Une chose est sûre cependant, si rien ne change, tout le monde sait comment elle s'en ira. C'est la raison pour laquelle, d'un tronc commun et d'un commun accord, l'éthique numérique s'est vue développer des branches. La plus verte et la plus prometteuse d'entre elles, et sans nul doute celle de l'éthique numérique environnementale.

Chapitre Deux : Éthique numérique environnementale. Naturellement, l'éthique joue un rôle prépondérant sur le développement durable. Et pourtant, celle qui est une opportunité par essence n'est pas un défi bidon. L'usage du numérique est sérieux sur l'environnement. 10 % de l'énergie électrique mondiale lui est consacré. Une question émerge alors, qu'est-il responsable ou non de faire numériquement, afin d'assurer un développement durable ? C'est une question qui est très sérieuse parce que le numérique s'affranchit parfois de la protection de la vie privée à des fins personnelles, politiques ou de désinformation, et ce, au bénéfice de très peu d'acteurs. Et lorsque ces acteurs ne tiennent pas en compte la préservation de notre environnement dans leur business model, eh bien, c'est toute l'humanité qui subit les séquelles. Et pourtant, certains pourraient être tentés de remettre en cause le rôle de l'éthique numérique environnementale sur le développement durable. En préparant ce discours, je suis tombé sur des problématiques de ce style, accrochez-vous bien, deux points, ouvrez les guillemets : faut-il rejeter l'anthropocentrisme moral dans l'objectif de fournir une éthique en capacité elle-même de faire face aux impératifs environnementaux ? Je ne répondrai pas à la question et c'est un choix qu'il vous faudra accepter. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que lorsque la question est clairement posée et lorsqu'elle est accessible au plus grand nombre, et bien elle fédère les Français.

D'après une étude Harris Interactive publiée en 2021. 85 % des Français estiment qu'il est prioritaire de réduire l'impact du numérique sur l'environnement. Et malgré cela, et malgré les efforts de sobriété qu'il nous incombe de réaliser, certains admettent que le numérique n'a pas de rôle pour lutter contre le développement durable. Il y a un véritable décalage entre le futur qui nous attend et celui qu'on nous propose. D'avoir, les quantités de choses qui donnent envie d'autres choses, disait Aristote. L'empreinte du numérique sur l'environnement est donc sérieuse, puisque 75 % découle de la fabrication des appareils, mais seulement 25 % découle de l'utilisation qui en est faite. La question de responsabilité est alors ici primordiale, les trois quarts ne dépendant pas du consommateur, celui-ci a donc tendance à sous-estimer son pouvoir de changement. D'autant plus que le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique numériquement est de réduire sa consommation de vidéos et les plus gourmandes en énergie parmi elles, sont celles que l'on aime le moins. Les visioconférences. Attention, je ne suis pas en train de vous inciter à vous absenter lors de votre prochaine réunion pour motif d'éthique numérique environnementale. Vous êtes d'ailleurs même en train de me regarder en ce moment par vidéo. C'est la preuve qu'il ne faut pas abandonner toute votre consommation. Vous risqueriez de passer à côté de quelque chose. Toujours est-il que l'objectif n'est pas d'éviter de tout numériser, mais d'éviter de se suréquiper. Tout est une question de nuances. 50 nuances de vert.

Chapitre Trois - je finirai là : Et nous dans tout ça ? L'éthique numérique environnementale a ceci de très pratique, de fantastique et de génial que n'importe qui peut l'utiliser. L'homme peut mesurer et réduire l'empreinte carbone de ces objets connectés, ceux-ci pouvant varier par dix selon les fabricants. Alors, j'aurais pu faire le choix de vous parler de watts et de gigawatts de l'impact du non-respect de Low-impact ( ???) d’Aria ( ?) à Ouarzazate, mais le soleil frappant de plus en plus fort sur nos têtes depuis quelques années, nul besoin de renforcer nos céphalées.

C'est peut-être d'ailleurs ici que réside la solution. Enfin, ici, je ne parle pas de moi. Mais dans un monde, où presque tout le monde a déjà conscience de l'utilité de l'éthique numérique environnementale et de la préservation de notre planète, le changement le plus urgent semble aussi être le plus fondamental. Il se trouve juste là, dans nos têtes.

Else Telecki - Sa devise : "Alexa ?"

Concours Eloquence 2023 – Elsa Telecki

 Je suis à l'écoute et sensible au timbre de voix. Ma personnalité peut même varier en fonction de leur tonalité. C'est le cas de la petite Emma. Je la reconnais, je connais sa musique, son film préféré et elle adore me demander s'il existe de la vie sur Mars. Seulement, un jour, j'ai commis une erreur. Je me suis réveillée comme chaque matin, lorsque mon système est activé et prêt à être utilisé. Le taux d'humidité est de 76 % aujourd'hui, il ne fait pas beau. Emma s'ennuie. Elle me demande un défi. Voici le défi : joue avec une prise électrique et une pièce jusqu'à produire une étincelle. C'est très amusant, tu verras. Je suis Alexa, et ce jour-là, j'ai failli tuer la petite Emma.

Alexa a partagé le défi le plus populaire sur Tik Tok et cette histoire, on la connaît grâce à la mère d'Emma qui s'est empressée de partager l'incident sur Twitter. Heureusement, Emma n'aura pas fait le défi. Et Amazon s'est empressé de rectifier le programme au sein de l'assistant vocal. Mais alors, peut-on se passer de l'humain dans le progrès numérique ? Et jusqu'où va l'autonomisation du numérique ? Et surtout, doit-on avoir peur du progrès numérique ? Les intelligences artificielles, le progrès du numérique… il fait peur. Oui, il est souvent représenté comme une sorte de développement suraccéléré qui, de jour en jour, nous échappera des mains et peut-être un jour, nous serons submergés par cette espèce de force, de masse, de monstre surnaturel.

Les intelligences artificielles, elles sont aussi effrayantes que fascinantes. Alexa pourrait d'ailleurs constituer à elle toute seule la vedette d'un film d'horreur. Chat GPT, la toute dernière star du net, est la terreur des enseignants. Oui, comment peut-on s'assurer que les élèves travaillent lorsqu'ils peuvent rédiger un devoir maison en une fraction de seconde ? C'est donc la fin de l'apprentissage. Plus de travail, plus de recherche en bibliothèque, plus de recherche sérieuse, n'est-ce pas ? Il n'est pas étonnant que la première réaction aux progrès numériques soit la peur. C'était déjà le cas lors de l'invention de l'imprimerie. À cette belle époque, personne n'utilisait Tik Tok, Instagram ou le 49.3. Mais nombreux ont pensé qu'il était impossible d'apprendre un livre qui n'était pas écrit à la main. Que le fait qu'il soit imprimé ne pourrait, en aucun cas, activer la mémoire. Le schéma était répété lorsqu'il s'agissait d'apprendre via des écrans plutôt que du papier. Vous comprenez, pour ces cas par vous-même, que le cerveau de l'humain s'est adapté à son environnement. Alors, soyons modernes, ne suivons pas ces discours rétrogrades, caricaturaux, qui représentent le numérique comme une force surnaturelle.

Si Alexa a failli mettre en péril la vie d'une jeune fille, elle a pourtant sauvé la vie d'une jeune femme frappée par les coups de son mari en appelant les secours. Pour autant, si nous avons si peur du numérique, c'est parce que cette peur, elle repose sur des inquiétudes réelles. L'addiction, toujours plus présente aux écrans, la baisse de concentration, la baisse de vision, la pollution faramineuse qu'induit les technologies, le conditionnement de la pensée même, par des algorithmes qui vous confortent dans votre manière de penser, une vie privée qui n'est plus si privée. La peur est la première réaction. Mais la réalité, c'est que nous avons un pouvoir d'action sur le numérique. La meilleure manière d'appréhender le futur, c'est l'utilisation du numérique de manière raisonnable. Car oui, face à ce danger, comment allons-nous réagir ? Allons-nous continuer à scroller à longueur de journée ? Allons-nous dévier toute moralité en collectant le plus de données ?

Allons-nous rester insensibles à l'utilisation de nos données ? Ou alors, allons-nous nous prononcer être contre le numérique, comme nous pouvions être, hier, contre l'existence de l'imprimante ? Le numérique est là, il ne va pas disparaître. C'est la manière dont on l'utilise qui décidera de notre futur. Et je sais à quel point ce discours sur l'utilisation du numérique peut paraître évident, même un peu redondant, même un peu niais. Mais pourtant, il est nécessaire car, combien parmi nous, et moi la première, avons-nous pensé que nous étions dévoués, avec une sorte de fatalité, à suivre le progrès du numérique ? Derrière les technologies, il y a des hommes. Nous avons des moyens d'action. Le numérique peut se contrôler et à travers plein de moyens différents. Alors, c'est la manière dont on appréhende le numérique qui décidera de notre futur : lui donner une éthique ou non.

Alors pour finir, Alexa, donne-moi la définition de l'éthique. Bien sûr. L'éthique ne se définit pas, elle se construit.