Cinq paradoxes de l'éthique dans la relation bancaire

C’est une année record qu’ont connue les banques françaises en 2021. Les cinq principaux groupes nationaux - BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel Alliance Fédérale - ont en effet enregistré plus de 31 milliards de résultats nets, soit les meilleurs de leur histoire. L’embellie s’accompagne de deux autres bonnes nouvelles. La première, c’est la vitalité de la banque de détail qui faisait pourtant figure, depuis plusieurs années, de talon d’Achille. La seconde, est la confiance avec laquelle les Français semblent avoir renoué ces dernières années au profit du système bancaire.


Cependant, rien n’est plus volatile que la confiance. Et si la crise sanitaire a montré la capacité des banques à soutenir l’économie réelle et à se transformer, elle a aussi renforcé les attentes des Français en matière de réglementation, de gouvernance et de bonnes pratiques. Dans ce contexte, et face aux incertitudes qui persistent, les questions éthiques prennent une importance prépondérante. Elles se heurtent parfois à d’autres priorités vitales, à commencer par l’exigence de rentabilité.

Paradoxe #1

Les banques doivent moraliser leurs investissements, mais toutes ne se donnent pas assez les moyens d’en mesurer les impacts

Soumises à une réglementation visant à mieux flécher les investissements ainsi qu’à changer les comportements, les banques ont entamé leur mutation vers des produits « verts » voire, plus largement, vers des produits « durables » ou « responsables ». Cependant, il reste du chemin à parcourir pour mesurer efficacement l’impact positif de ces évolutions.

Si les outils de mesure de la performance extra-financière se révèlent complexes à mettre en place, les progrès sont réels : la plupart des banques les déploient progressivement. La pratique du rapport intégré se généralise.

 

Exemple d'outil de mesure : "Green Weighting Factor" de Natixis

Dès 2018, Natixis a de son côté mis en place un système de bonus-malus sur les financements qu’elle accorde, en fonction de leurs conséquences pour le climat.

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Paradoxe #2

Les clients veulent des produits plus éthiques mais ils ne les achètent pas

 

 

Des français déclarent accorder de l’importance aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements

Source : Sondage de septembre 2021 réalisé par l’IFOP et le FIR

 

Seuls quatre Français sur dix estiment avoir un impact réel sur l’environnement et la société lorsqu’ils orientent leur épargne en ce sens. Ils s’interrogent également sur leur rentabilité. Les produits de la finance verte (écologique) ou bleue (éthique) ne sont pas nécessairement synonymes de moindre rendement. Reste que, pour de nombreux clients, s’il devait exister un arbitrage entre éthique et rendement, ce n’est pas toujours la première qui l’emporterait.

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Paradoxe #3

Les clients attendent un service irréprochable de leur banque mais ne sont pas prêts à en payer le juste prix

 

Le grand public, peu au fait du modèle économique de la banque de détail, comprend mal pourquoi son agence locale ne parvient pas à offrir des délais de réponse aussi rapides et des conditions aussi avantageuses que les nouveaux venus du Web. Certains clients se montrent réticents à payer, mais continuent cependant de vouloir interagir avec un véritable interlocuteur, connaissant leur historique et leurs préoccupations.

 

Le modèle mutualiste : un bon compromis pour concilier prix et service

La structure capitalistique des réseaux mutualistes (détenus par leurs sociétaires) n’engendre pas la même pression sur les résultats que celle subie par les groupes cotés. Le nombre de leurs agences diminue moins vite que celui des concurrents. Cela explique en partie pourquoi le Crédit Mutuel et sa filiale CIC sont depuis plusieurs années en tête du trophée « Qualité de la banque » établi par le site d’information MoneyVox à partir des notations des clients.

 

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Emission 10 - Ethique et Smart : l'éthique dans la relation bancaire

Paradoxe #4

Les banques doivent présenter la rentabilité d’un acteur privé mais rendre les services d’un opérateur public

Un des principaux enjeux pour le système bancaire français aujourd’hui est celui de sa rentabilité, qui reste insuffisante malgré des résultats records. Pour y répondre, la plupart des établissements ont mis en place des mesures incitatives ( jeux concours, objectifs par agence etc.) afin d’encourager leurs équipes commerciales.

Cette quête de la performance, et la rivalité croissante des nouveaux acteurs du secteur technologique, est également ce qui a poussé les banques ces dernières années à accélérer leur digitalisation. Néanmoins, La numérisation croissante de l’économie creuse en effet une nouvelle fracture sociale et appelle des réponses particulières.

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Créa-Sol et Parcours Confiance : 2 associations créées par la Caisse d'Epargne pour surmonter la contradiction apparente entre rentabilité et service de l’intérêt général

Elles ont pour vocation à accompagner les clients vulnérables dans leurs projets d’insertion. Leurs conseillers instruisent des dossiers de micro-crédit personnels dont les montants peuvent aller de 300 à 3 000 €.

 

Paradoxe #5

Les banques doivent offrir des services innovants tout en protégeant les données de leurs clients

Les clients bancaires attendent des produits innovants, une expérience personnalisée, fluide, immédiate(notamment dans les processus d’achat en ligne, y compris la souscription d’un paiement en trois fois). Or, la capacité à fournir un service ou un produit au bon moment, à la bonne personne, de façon contextualisée et personnalisée nécessite de pouvoir utiliser des données client à des fins commerciales. Et donc de « transgresser », d’une certaine façon, les principes de confiance et de sécurité qui guident les réseaux traditionnels. 

Les banques auraient tout à gagner à obtenir le consentement de leurs clients pour utiliser leurs données afin de mieux les accompagner dans leurs moments de vie. Elles pourraient ainsi améliorer de nombreux processus en les automatisant.

 

Afin de mieux concilier offre de services innovants et respect des données, le Crédit Agricole a fait partie des premiers groupes bancaires à se doter d’une charte sur la protection des données personnelles de ses clients à l’échelle du globe. Il s'interdit ainsi de les vendre.

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