La frugalité numérique : une stratégie viable ? Un horizon désirable ?

Le monde économique semble tiraillé entre une conscience aigüe de l'urgence climatique et une certaine lenteur dans la mise en œuvre de stratégies correspondant aux objectifs de l’Accord de Paris.

Les objectifs du monde économique sont en partie déconnectés des territoires qui en permettent la réalisation. Face à cet état de fait, entreprises et pouvoirs publics ont mis en place des stratégies d’atténuation des impacts environnementaux, notamment via des démarches d’économie de moyens, que l’on qualifiera de démarches de sobriété.

Mais ne faut-il pas aller plus loin ?

Frugalité numérique - illustration

Là où la sobriété pose une interrogation sur le bilan d’un dispositif, la frugalité numérique s’interroge sur l’opportunité même de la solution technique. Plus qu’un renoncement, une démarche frugale apparaît comme un recentrement.

Pourquoi sa généralisation semble alors difficilement accessible ? Illustrée au travers du secteur numérique, cette note d’analyse présente les bénéfices d’une telle démarche mais également les limites auxquelles les entreprises se confrontent.

 

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Les trois stratégies actuelles d'économie de moyens

L’industrie du numérique occupe une place ambivalente : prometteuse pour les leviers organisationnels qu’elle permet (une meilleure allocation des ressources et de nouvelles stratégies de réponse), problématique pour les externalités négatives qu’elle induit. 

Pouvoirs publics, entreprises ou associations y ont répondu via :

  • La sobriété numérique ou Green IT : Faire autant avec moins. Cette stratégie adopte une dimension réflexive sur le numérique.
  • IT for Green : Cette stratégie vise à proposer plus de valeur grâce à l’apport de créations technologiques.
  • Le numérique durable : Issue de l’approche anglo-saxonne, elle ambitionne de générer une balance positive entre les externalités positives et négatives du numérique.
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La frugalité numérique comme nouvel horizon ?

Face à un marché en mutation, de gré ou de force, les entreprises ont un arbitrage à effectuer entre la rentabilité court terme et leur adaptation. Or, une nouvelle notion peut apporter une réponse : la frugalité

Il est assez vite apparu que la dimension Green IT ne pouvait épuiser toutes les problématiques du numérique. Il fallait penser l’environnemental, le social, la confidentialité de la donnée, l’accessibilité, en même temps pour pouvoir vraiment parler de numérique durable.

Murielle BARNEOUD
Directrice de l'Engagement sociétal


Groupe La Poste

Être frugal pour mieux répondre au marché

Pour une entreprise, une limitation volontaire, alors qu’une stratégie d’opulence est possible paraît contre-intuitive. La loi du marché sanctionnera cette utilisation sous-optimale des ressources à disposition de l’entreprise. Faut-il alors considérer une stratégie frugale comme une politique du renoncement ?

A travers des cas d'étude, détaillés dans cette note, la démarche frugale apparaît comme un recentrement, plus qu'un renoncement. Cela n'en fait pas pour autant une stratégie de la facilité. Elle implique une connaissance fine de son écosystème, de ses attentes, et de ses marges de manœuvre. 

Être frugal pour répondre aux nouvelles obligations des entreprises

Une stratégie frugale permet d’aborder un certain nombre de problématiques rencontrées par les entreprises :

  • Une réponse à un souci de conformité alors que la réglementation autour des externalités du numérique connaît elle aussi une certaine accélération.
  • Un enjeu de souveraineté et d’autonomie, car plus l’économie est numérisée plus elle dépend de ressources qui se trouvent à l’extérieur de son territoire comme l’illustre la crise d’approvisionnement en puces électroniques pour le secteur automobile début 2021.
  • Un objectif d’économies en invitant à repenser l’allocation des ressources en interne ainsi que la sollicitation des fournisseurs et de la chaîne de valeur. Cela peut passer par la création de communautés d’intérêts autour du sujet, car les investissements qu’elle requiert, bien que peu volumineux, peuvent être mutualisés.
  • Une question d’image vis-à-vis des attentes d’éco-responsabilité des clients et collaborateurs futurs et actuels.
  • Un souci de cohérence : si le numérique, avatar de la modernité, n’est pas capable de réduire son impact, quel espoir pour les autres activités.

Une question de définition de la valeur

Une stratégie frugale impose de repenser le positionnement sur son marché et son offre de valeur. On ne peut ainsi faire l’économie d’une reconsidération du business model et de ses fondements.

Une innovation frugale est donc avant tout une innovation de business modelCette note d’analyse présente entre autres deux exemples éclairants sur le sujet : le programme d’ENGIE IT Skynote Green pour les services, la politique de bridage de ses moteurs par Volvo pour les produits.

Si pour être définie et appliquée, la frugalité numérique doit découler de la promesse de valeur de l’entreprise, elle ne peut être circonscrite qu’à une part de l’activité d’un marché.

C’est pour cela que la frugalité restera un secteur de niche, un pas de côté par rapport à la normalité. Comment dès lors produire une organisation qui puisse mettre en œuvre une stratégie frugale ? 

La question du périmètre de réflexion est essentielle. La sobriété numérique aux bornes du département peut être un coût ; élargie aux métiers c'est un bénéfice.

Olivier SERVOISE

Directeur de projet innovation, Directeur du centre d'excellence numérique responsable

 

ENGIE IT

Quelle organisation frugale ? 

Une fois ce raisonnement posé, trois impasses subsistent avant d’envisager la mise en place d’une stratégie frugale :

  • Prendre la frugalité comme un simple dérivatif d’une stratégie de réduction des coûts
  • Envisager la frugalité comme une simple valeur incantatoire, un supplément d’âme apposé sur une gestion un peu plus précautionneuse des ressources
  • La percevoir comme généralisable et ainsi vouloir élaborer une stratégie mainstream

Maturité numérique et décloisonnement, les prérequis d’une stratégie frugale

Le caractère transverse du numérique ainsi que la nature variée de ses impacts ont fait se démultiplier les acteurs susceptibles d’intervenir sur le sujet. Avant de dessiner toute stratégie frugale, il est nécessaire de connaître la maturité digitale de l’organisation. Dans tous les cas de figure, il apparaît vital d’éviter toute forme de cloisonnement et de faire en sorte que les DRSE et DSI sortent d’une forme de marginalité sur le sujet. La création de communauté d’intérêts, notamment entre la cybersécurité et la frugalité numérique, apparaissent elles-aussi essentielles.  

Quel niveau de décision ? 

Pour éviter que le sujet de la frugalité numérique et, par extension, son chef de projet ne soient qu’une pure extranéité, il faut œuvrer à la naturalisation du processus. Cela passe par la création d’un cursus de formation résolument pratique, l’animation d’un réseau d’experts et de référents, une collégialité et des méthodes de révision dans la prise de décision.

 

Quel pilotage et outillage ?

Un effort en matière d’outillage numérique ou organisationnel est souhaitable pour accompagner la démarche. Les outils sont insérables à trois niveaux :

Les outils d'analyse - Frugalité numérique

Outils d’analyse

Notamment à travers les analyses de cycle de vie (ACV). Essentielles à la mesure des impacts, et donc à leur réduction future, il ne faut pas oublier qu'ils « restent intrinsèquement un outil de calcul, et non de mesure ».

Outils de prise de décision - Frugalité numérique

Outils de prise de décision

Identifiant les impacts environnementaux, ils paraissent nécessaires notamment aux niveaux de décision élevés comme le COMEX.

Outils de conception - Frugalité numérique

Outils de conception

Ils favorisent la réduction du poids des logiciels et donc la réduction des impacts à l’usage.

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